mardi 11 juin 2013

La naissance du Prophète Mohammed 2ème partie (M. Hamidullah)

Mohammed
...
Il paraît que la santé de l'enfant était toujours très délicate. Toutes les fois qu'il venait à la Mecque, avec la nourrice, pour revoir sa mère et son grand-père, il souffrait du changement d'air, et c'est pour cette raison, dit-on, que la durée de son séjour chez la nourrice se prolongea beaucoup plus que d'ordinaire.

La grande foire annuelle de 'Ukâz avait lieu dans la même région. On y rencontrait quelquefois Halimah et son nourrisson, et l'on rapporte que Halimah demanda à un astrologue devin de la tribu de Hudhail, qui exerçait son métier à la foire, de prédire le destin de l'enfant. Il est possible qu'il y ait un lien entre l'incident de la fente de la poitrine et entre cette divination : effrayée par l'étrange vision, la nourrice désire être rassurée sur le sort de l'enfant du lait dont elle était gardienne, comme le laisse croire Ibn al-Jauzî (Wafâ, p. 113. Chez lui il y a plusieurs récits divergents et, selon l'un, c'est l'enfant Mohammed qui, après l'incident, court chez sa nourrice pour la mettre au courant lui-même de ce qui venait de se passer).

Après le fait miraculeux rappelé plus haut de la "fente de poitrine", l'enfant partit pour rentrer chez sa mère, mais non sans quelque accident : près de la Mecque, l'enfant se perdit; la nourrice courut chez le grand-père de Mohammed, et après quelques recherches, on le trouva sain et sauf, jouant avec des feuilles d'arbres tombées.



Bientôt après, Mohammed, sa mère Aminah, une esclave noire Umm Aiman, et peut-être aussi un serviteur, partirent pour Médine. On habita là chez les parents de Abd al-Muttalib, plus précisément dans la maison d'un certain an-Nâbighah, de la tribu des Banû an-Najjâr, maison où se trouvait aussi, (il y est encore commémoré de nos jours), le tombeau de Abdallâh, père de Mohammed. Le prophète se souvenait plus tard qu'il avait appris à cette occasion à nager dans une pièce d'eau appartenant à la tribu; il se souvenait également avoir joué avec d'autres enfants de son hôte, en particulier avec une fille, Unaisah, autour d'un château appartenant à la famille, et qu'ils s'amusaient à faire voler un oiseau qui allait se percher sur la tour du bâtiment.

C'est sur le chemin du retour qu'Aminah trépassa soudainement à Abwâ. Bien qu'il n'eût que six ans, le chagrin de Mohammed dut être très grand à la mort de sa mère, qu'il aimait tendrement. Plus tard, toutes les fois qu'il passait par Abwâ, au cours de ses expéditions, le prophète s'arrêtait pour visiter le tombeau de sa mère, et versait d'abondantes larmes. Rappelons ici un incident postérieur : un jour un visiteur nomade s'étant mis à trembler quand on le présentait au prophète, celui-ci de dire : "Pourquoi as-tu peur d'un homme dont la mère mangeait souvent de la viande séchée ? ". On a conservé plusieurs poèmes d'Aminah, et aussi d'autres parentes de la famille de Abd al-Muttalib, ce qui montre que le niveau intellectuel dans cette famille était assez élevé, même parmi les femmes.

La bonne Umm Aiman parvint à rentrer à la Mecque avec l'enfant, après avoir assisté à l'enterrement d'Aminah. Abd al-Muttalib, âgé de 108 ans, prit son petit-fils chez lui; et comme l'enfant avait perdu son père aussi bien que sa mère, l'affection du grand-père envers lui était naturellement très grande.

On rapporte que toutes les fois que Abd al-Muttalib s'asseyait sur un tapis dans un conseil municipal, pour discuter avec les autres conseillers des questions sérieuses, l'enfant Mohammed aimait à laisser ses jouets et à venir assister au Conseil; il voulait s'asseoir à la première place, à côté de son grand-père. Ses oncles le lui défendaient, mais le grand-père disait toujours : " Laissez-le; il se croit un grand homme, et j'espère bien qu'l va l'être; il est si sage". Il était en effet bien sage, jamais l'assemblée n'eut à se plaindre qu'il les dérangeât. Le grand-père l'aimait tant qu'au dire des chroniqueurs, un jour, lors d'une disette, il pria DIEU pour la pluie en Le suppliant au nom de son petit-fils, et il ne fut point déçu.

A l'âge de sept ans, Mohammed eut mal aux yeux, et les "médecins" de la Mecque ne purent le guérir. On rapporte que Abd al-Muttalib se rendit alors au couvent d'un religieux chrétien, près de Ukâz, où on lui donna une prescription qui réussit très bien. C'est apparemment d'une époque postérieure que nous parle al-Qifti (1)  lorsqu'il raconte qu'étant tombé malade, Mohammed avait demandé à son ami Sa'd ibn Abî-Waqqâs de faire venir le médecin mecquois al-Hârith ibn Kaladah.
La Kaaba (Mecque)

Le jeune garçon Mohammed était si intelligent que toutes les fois que son grand-père ou d'autres parents avaient perdu quelque chose, ils demandaient toujours à Mohammed d'aller le chercher, et il trouvait toujours. Une fois le berger de Abd al-Muttalib vint annoncer que quelques chameaux s'étaient égarés, et qu'il lui était impossible de les retrouver dans les vallées du pâturage. Mohammed y fut envoyé; comme il tardait à revenir, le grand-père, effrayé pour le sort de son petit-fils, parti ainsi tout seul, la nuit, dans les montagnes, se mit à prier DIEU, avec ferveur et à faire le tour rituel de la Ka'ba, en disant :
 Seigneur, rend-moi mon petit Mohammed,
Et comble-moi ainsi de Tes faveurs.

Une fois Mohammed rentré, Abd al-Muttalib fit le vœu de ne plus jamais envoyer le garçon faire de pareils courses.
Mohammed était âgé de huit ans, lorsque son grand-père mourut, après l'avoir confié à son fils Abû-Tâlib, oncle de Mohammed, en lui recommandant d'en avoir le plus grand soin.

source : Le Prophète de l'Islam : Sa vie, Son Oeuvre (Muhammad Hamidullah)

1. Akhbâr al Hukamâ; (Uyûm al-Anbâ'ed. 1299), p. 110; ibn Hajar, Isâbah, N° 1471, § Haritch ibn Kaladah.

dimanche 9 juin 2013

La naissance du Prophète Mohammed (1ère partie) Muhammad Hamidullah

C'est de Abdallâh ibn Abd al-Muttalib et d'Aminah bint Wahb  que Mohammed, futur Prophète de l'Islam, naquit à la Mecque en l'an 53 avant l'Hégire ( 569 de l'ère chrétienne) (1).
Le père étant mort quelques semaines auparavant, c'est le grand-père Abd al-Muttalib qui s'occupa de l'enfant et de sa mère.
Il y avait un ancien usage à la Mecque, - usage qui persiste jusqu'à nos jours, - de confier l'enfant aux nourrices, qui les emmenaient chez elles dans le désert. En attendant l'arrivée des femmes nomades, venant chercher les enfants, des concubines de la famille ont dû donner le sein au nouveau-né. C'est ainsi que Thuwaibah, esclave de son oncle Abû Lahab, éleva l'enfant pendant quelques jours (2). On nous apprend encore que Hamzah, jeune oncle de Mohammed était son frère de lait (3). Les nourrices cherchaient évidemment les enfants des riches :  les orphelins comme Mohammed ne devaient pas leur plaire beaucoup.

Un contingent de la tribu de Sa'd ibn Bakr, branche des Hawâzinites, se rendit alors à la Mecque. Parmi cette tribu se trouvait Halimah, future nourrice de Mohammed, qui était très pauvre; à cause de sa monture maigre et fatiguée, elle arriva à la Mecque assez en retard sur les autres, et ne put trouver un enfant riche. Ne voulant pas rentrer les mains vides, elle prit l'orphelin Mohammed, et ne l'a jamais regretté (4).

On attend d'un prophète qu'il accomplisse des miracles dès sa naissance : sa mère n'aurait point senti les douleurs de l'accouchement; l'enfant serait né circoncis; les anges l'auraient lavé et marqué du sceau de l'apostolat sur le dos, entre les épaules. On raconte aussi que l'âne de sa nourrice devint le plus rapide de la caravane; sa chamelle commença à donner du lait en quantité plus que suffisante pour toute la famille; Mohammed ne têta que sur un seul sein de sa nourrice, laissant l'autre pour son frère de lait; les moutons et les brebis de Halimah rentraient à la maison toujours satisfaits de leur pâturage, tandis que le même ne donnait rien aux autres animaux.

On rapporte encore un autre incident, plus important : un jour un frère de lait courut chez ses parents pour leur raconter, tout effrayé, que des gens s'étaient emparés de Mohammed et lui avaient ouvert la poitrine. Les parents s'empressèrent, mais ils trouvèrent Mohammed assis sur la colline, les yeux fixés sur le ciel. Interrogé, il raconta que deux des anges étaient venus de la part de DIEU, avaient ouvert sa poitrine, retiré son cœur  enlevé la partie appartenant à Satan, et remis le reste après l'avoir lavé avec de l'eau céleste, dont il sentait encore la fraîcheur. Les anges s'en étaient alors allés au ciel dans la direction où il les suivait encore du regard. La nourrice et son mari crurent devoir rendre Mohammed à ses parents plutôt que de le retenir encore quelque temps chez eux, car on ne savait quel autre malheur pouvait encore arriver à l'enfant merveilleux. Il est également question de la présentation du Prophète dès sa naissance, par les anges, à toutes les créatures, à titre d'introduction.

Mais revenons à l'histoire normale. La vie chez une nourrice nomade ne pouvait être que très simple : la tribu passait les différentes saisons en divers endroits; les enfants surveillaient toute la journée les troupeaux dans les pâturages, et jouaient ensemble; les femmes ramassaient le bois pour la cuisine, entretenaient leurs foyers, et s'occupaient à filer. On se contentait quelquefois de dattes et de lait; parfois on mangeait des légumes, de la viande, etc., et, lors des foires ou des visites aux "grandes villes", comme la Mecque, quelques friandises. Il pouvait y avoir des razzias et des guerres entre les tribus, mais nos sources n'en mentionnent aucune concernant la tribu de la nourrice Halimah.


Le jeune Mohammed se comportait comme tous les autres enfants. On rapporte qu'un jour, pour une raison que les narrateurs ne mentionnent pas, il mordit l'épaule de sa sœur de lait avec une telle vigueur que la trace lui en resta pendant toute sa vie; et elle n'eut pas à regretter ! Plus tard en effet, dans une expédition, l'armée du Prophète fit un certain nombre de prisonniers, parmi lesquels se trouva Chaimâ, cette sœur de lait; et lorsqu'elle rappela à Mohammed l'incident et montra l'incision sur son épaule, il la reconnut aussitôt, et elle fut traitée avec tous les égards dû à une sœur bien aimée.
à suivre...
source : Le Prophète de l'islam : sa vie, son oeuvre (Muhammad Hamidullah) 









1. Le calendrier mecquois était lunaire, mais connaissait l'intercalation pour égaliser l'année lunaire avec l'année solaire. Le Prophète ne le changea que seulement trois mois avant sa mort, lors du dernier pèlerinage. Donc durant toute sa vie, on s'est servi à la Mecque d'une année lunaire où l'on ajoutait tous les trois ans un mois; cela pour les calculs en calendrier solaire. Selon Ibn Hichâm, p. 102, le Prophète naquit le lundi 12 Rabîal - Auwal. cf infra ch. calendrier,§ 1287 et s.

2. Balâdhuri, Ansâb, I, § I63. Elle n'était pas la concubine de son maître, mais mariée à quelqu'un, peut-être bien à un esclave d'Abû Lahab même.

3. Ibid., ajoutant qu'elle avait allaité Hamzah avant Mohammed, et allaité Salamah ibn Abd al-Asad al-Makhzîmi, après Mohammed. Abû Salamah fera partie des tout premiers convertis à l'Islam. cf aussi Balâdhuri, Ansâb, I, § 169; Suhailî, I, 108.

4. Ibn Hicham, p. 103; Balâdhuri, le même, § 162; Suhaili ajoute (I, 108) que Halimah avait aussi allaité Abdallâh ibn Jahch (fils d'une tante paternelle du Prophète), et aussi (II, 268) Abû Sufyan ibn al-Harith, fils d'un oncle paternel du Prophète. Abdallâh embrassera l'islam de bonne heure, tandis qu'Abû Sufyan restera longtemps dans l'opposition, avant de se convertir après la conquête de la Mecque.