lundi 9 septembre 2013

La Loi et la Miséricorde (al-Futûhât al-Makkiyyâ) - IBN'ARABI

[...] DIEU a créé la volonté dans l'âme afin qu'elle veuille ce que DIEU veut qu'elle fasse ou ne fasse pas sans enfreindre les limites instituées par le Législateur.

Le principe est donc celui que nous avons déjà énoncé. Il advient à la volonté d'éprouver un violent désir d'une chose sans qu'elle prenne en considération les règles légales concernant l'accomplissement ou l’abstention de l'acte considéré, au point que, même s'il y'a coïncidence entre la prescription légale et l'acte accompli, ce n'était pas l'accomplissement de la Loi qui était d'abord visé. Il ne s'agit alors que d'une coïncidence fortuite avec ce que le Législateur a ordonné.
Celui qui est ainsi accompli l'acte en question parce que tel est son désir non parce qu'il s'agit d'une règle édictée par le Législateur.   Aussi DIEU ne louera-t-Il cet individu que s'il s'est demandé, avant de satisfaire son désir, si cela était louable aux yeux de la Loi et s'il n'a accompli cet acte qu'après avoir reçu d'un mufti la réponse que le Législateur a jugé qu'en cette matière il y avait licence (ibâha), recommandation (nadb) ou bien obligation (wujûb), et n'a agi qu'ensuite. Il s'agit alors d'un jugement légal qui coïncide avec le désir personnel et l'intéressé sera récompensé de s'y être soumis, à la différence du premier cas, où la passion et le désir coïncident également avec ce qui est louable selon la Loi mais où l'acte n'a pas été accompli à cause de la Loi et en vue de s'approcher de DIEU : celui qui agit ainsi va à la perdition.



O mon ami, considère les désirs de ton âme et vois quel est leur statut au regard de la Loi. Si celle-ci te prescrit de les accomplir, alors accomplis-les. Si en revanche elle te prescrit de n'en rien faire, alors renonce. Si néanmoins, après t'être interrogé et avoir constaté que, du point de vue légal, il faut t'abstenir, si donc ton désir l'emporte et que tu passes outre, je suis convaincu que sur ce point tu es en tort mais que, cependant, tu seras récompensé pour différentes raisons : parce que tu t'es interrogé sur le statut légal en la matière avant d'accomplir ton acte; parce que ta croyance en la Loi a été assez forte pour que tu te demandes quelle est sa position sur cette question; parce que tu as eu la conviction, après avoir su que la chose était interdite, qu'il fallait la rejeter; parce que tu t'es appuyé sur le fait qu'Allâh est Pardonnant (Ghafûr) et très Miséricordieux (Rahîm), qu'Il efface les péchés et pardonne les offenses, et que tu as donc eu en l’occurrence une bonne opinion de DIEU; et aussi parce que tu n'avais pas pour but de transgresser les interdits Divins; enfin parce que tu étais convaincu d'avance de ce que te fixait la prédestination (al-qadâ) et le décret Divin (al-qadar) quant à l'accomplissement de cette affaire comme c'était également le cas dans l'histoire de Moïse avec Adam. Telles sont les nombreuses raisons pour lesquelles tu seras récompensé en dépit de ta désobéissance (ma'siyya) car tu n'es coupable que d'un seul point de vue : à savoir d'avoir accompli cet acte qui n'était qu'un désir de l'âme. A ces différentes raisons s'ajoute encore le fait que cet acte t'a affligé car, ainsi que le dit l'Envoyé de DIEU : " Le croyant, c'est celui que sa bonne action réjouit, et qu'afflige sa mauvaise action !"

source: Al-Futûhât al-Makkiyyâ (Les illuminations de la Mecque) - Ibn'Arabi