jeudi 21 janvier 2016

De l'amour pour le prophète Mohammed et de la conformité à lui - Ibn Arabi

La conformité au Messager de Dieu - sur lui la grâce et la paix -, relevant de la Loi Divine qu'il
énonce, est précisée dans le verset suivant : Dis ! Si vous aimez Dieu, conformez-vous à moi (Mohammed). Alors, Dieu vous aime... (Coran III, 31).

Sache le ! Dieu possède un amour double ou encore un double attachement dans l'amour qu'Il porte à Ses serviteurs, et cette affection est une propriété inhérente à la volonté.

Un tel amour est celui que Dieu témoigna aux créatures, dès l'origine, et par lequel Il leur a accordé de se conformer à Lui comme le font les Envoyés eux-mêmes - que la paix de Dieu soit sur eux tous.

Ajoutons que cette conformité produit en eux deux attachements d'amour du fait qu'elle survient selon deux modes : soit par l'accomplissement des oeuvres d'obligation Divine, soit par celui des actes surérogatoires (nawâfil).

Le Prophète - sur lui la grâce et la paix - relate la nouvelle suivante de la part de son Seigneur : " Mon serviteur ne cesse de s'approcher de Moi par une oeuvre qui M'est des plus aimables, celle d'accomplir ce que Je lui ai prescrit. Mon serviteur ne cesse de s'approcher de Moi par des oeuvres surérogatoires jusqu'à ce que Je l'aime.
Et quand Je l'aime, Je suis son ouïe, sa vue, ses mains et tous ses autres organes."

Mais, quand l'Être vrai est l'ouïe du serviteur et ses autres organes, grâce aux oeuvres surérogatoires, que devient l'amour que Dieu a pour lui par l'acquittement des pratiques d'obligation Divine ?

La réponse est que l'Être vrai veut par la volonté de ce serviteur choisi qu'Il investit, dans le monde, de la fonction de commandement, en plein accord avec Sa Volonté primordiale qui est propre à cet attachement d'amour et par lequel Il agrée un tel être. Or, ce dernier attachement d'amour (par les oeuvres surérogatoires) se réduit au premier selon cette parole Divine : Et vous ne voulez que ce que Dieu veut (Coran LXXVI, 30 & LXXXI, 29). Dieu aime celui qui cultive les qualités qu'Il énumère dans Son Livre et qui ne sont acquises que par cette conformité.

Or, le Messager de Dieu - sur lui la grâce et la paix - se comporte en raison de cette disposition qu'il tient de Dieu car : Il ne s'exprime pas par impulsion passionnelle (Coran LIII, 3). L'Envoyé agit en fonction de Dieu et de nous, mais Dieu ne peut admettre que l'acte soit fait pour Lui et pour nous ainsi que certains ont pu le supposer. Pourtant, le Prophète a bien dit : " Je ne sais pas comment Dieu agit avec moi et avec vous. Je me conforme seulement à ce qu'Il m'a révélé et je ne suis qu'un exhortateur explicite." C'est en ce sens que Dieu dit : Seule la transmission [du message] incombe à l'Envoyé (Coran V, 99).

La conformité impose alors que les serviteurs se comportent comme le Messager le leur commande. Qu'il nous prescrive ou non : "Imitez-moi !" nous le ferons.

Il en découle que nous devons suivre ce qu'il nous ordonne ou nous interdit et c'est pourquoi le respect des limites qu'il nous trace implique que nous imitions ses comportements et ses traits de caractère. Cette attitude porte le nom de prodige (karâma) et de miracle (âya), véritables signes attestant la sincérité du croyant dans la conformité.

Les Messagers eux-mêmes sont tenus de se conformer (aux injonctions Divines). Le Prophète - sur lui la grâce et la paix - a dit : " Je me conforme aux seules données qui m'ont été révélées." C'est pourquoi la conformité à l'oeuvre de Dieu, qui transparaît sur lui comme conséquence de sa propre conformité aux commandements Divins, constitue un exemple miraculeux (âya) tout en devenant pour nous un prodige tenant du miracle (quand nous agissons ainsi). Cependant, cet acte (d'imitation) doit être fait avec aspiration et orientation sans aucune complaisance (envers soi-même pour être de cette nature).

Le serviteur peut alors faire apparaître des ruptures dans les lois naturelles qui ne peuvent intervenir que de cette manière sans autre cause que la seule Volonté de Dieu - exalté soit-Il. Lorsque cet acte conforme s'accomplit en vertu d'une cause extérieure habituelle, il n'entre pas dans ce cas miraculeux.  Tel est, par exemple, le vol de l'oiseau qui s'effectue par un moyen apparent, même  si, en vérité, seul Dieu le soutient (cf. Coran LXVII, 19), ce qui revient à dire que Dieu, avec ce volatile, crée les moyens de son maintien dans l’atmosphère. Par contre, quand l'homme pénètre dans l'air et y marche par sa seule volonté, il n'a pas de moyens apparemment normaux pour y parvenir. Ce dernier cas ressemble donc à l'opération de l'Être vrai quand Il génère les choses par Sa Volonté. Ici réside toute la différence entre l'acte producteur Divin et l'arrivée des chose à l'existence par le moyen des causes occasionnelles (asbâb).

Le fondement de cette capacité se trouve dans la réalisation par conformité. Celui qui garde les lois instaurées, c'est Dieu et Celui qui respecte l'ordre des choses, conformément à Sa Volonté, c'est encore Dieu seul ! Et tout cela arrive par l'assistance providentielle ('inâya) et la Volonté créatrice (mashî'a) de Dieu. Il n'y a nul dieu que Lui, le Très-Inaccessible et le Très-Sage (Coran III, 6).


Source: Traité de l'amour (Ibn Arabi)

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